En 2022, la date du 13 mai correspond, en Suisse, à son jour du dépassement. Cela signifie que si aujourd’hui tout le monde vivait comme la population de la Suisse, le Jour du Dépassement de la Terre serait le 13 mai. Donc, du 1er janvier au 13 mai, la population suisse a consommé per personne autant de ressources naturelles que ce que la planète renouvelle par personne sur l’année entière. Ces données proviennent des comptes nationaux d’empreinte et de biocapacité (National Footprint and Biocapacity Accounts) publiés par la Footprint Data Foundation, l’Université de York et Global Footprint Network.
La guerre en Ukraine a mis en exergue le risque politique et économique croissant que fait peser ce déséquilibre des ressources sur les pays, les villes et les entreprises. Ce risque ne cesse de croître à mesure que le dépassement écologique se creuse. Afin de résorber ce déséquilibre des ressources, il convient de définir une stratégie de sécurité en ressources écologiques afin de se prémunir contre les impacts des crises ou catastrophes – qu’elles soient géopolitiques, sanitaires, économiques, ou causées par les éléments naturels. En anglais, on dit « build your future by design, not disaster ,» soit « bâtissez votre avenir par design, plutôt que laisser le désastre s’en charger. »)
Si tout le monde vivait comme les habitants de la Suisse, il faudrait 2,8 Terres pour subvenir aux besoins de l’humanité entière. Avec moins de biocapacité pas personne en Suisse qu’à l’échelle de la planète entière, il faut 4,4 Suisses pour régénérer ce que la population Suisse demande actuellement.
L’avenir n’a jamais été aussi prévisible. Nous savons que les gens voudront continuer à manger et à dormir. Ils veulent aussi être mobiles, se sentir en sécurité et s’amuser. Nous savons également que nous vivrons dans un monde où le changement climatique sera plus prononcé et les ressources plus limitées, quel que soit le scénario de développement choisi par l’humanité. Par conséquent, la sécurité en ressources est inévitablement appelée à devenir un paramètre de plus en plus central.
Il est certain que nous devrons tous fonctionner sans énergie fossile. La seule question est quand. Une transition rapide sur le front de l’énergie et de la consommation des ressources écologiques freinera le changement climatique extrême et nous permettra de bénéficier d’un budget de ressources écologiques plus robuste. Une sortie lente de l’énergie fossile augmente le risque d’une augmentation des des actifs délaissés, des tensions mondiales et des troubles politiques. La sécurité alimentaire globale devient ainsi plus critique, avec des conséquences directes sur l’économie intégrée de la Suisse.
Ceux qui tardent à prendre le virage de l’énergie et des ressources s’exposent à des risques de plus en plus importants, de plus en plus indirects et de plus en plus inégalement répartis. Les inégalités augmentent également entre ceux qui se préparent intelligemment en développant leur résilience et ceux qui attendent et aggravent leur vulnérabilité. Ceux qui ne s’engagent pas activement dans le changement se retrouvent à la traîne.
« La Suisse semble manquer de détermination pour se préparer de manière adéquate à l’avenir prévisible du changement climatique et de la pénurie de ressources. Pire, ses électeurs ont également rejeté la loi sur le CO2 il y a un an », a déclaré Mathis Wackernagel, président de Global Footprint Network. « Il y a certes quelques bonnes approches en Suisse, comme les maisons à haute efficacité énergétique ou l’utilisation d’électricité d’origine hydraulique, mais dans l’ensemble, le pays est encore loin d’achever un minimum en sécurité en ressources. L’écart reste immense”.
Rien que pour l’alimentation, la Suisse sollicite la capacité biologique de plus d’une Suisse entière. La même quantité est utilisée par la mobilité. 77% des besoins en ressources biologiques des Suisses proviennent de l’étranger. La construction de logements nécessite environ 1/6 des besoins totaux de la Suisse, raison pour laquelle l’entreprise de construction Eberhard explore de nouvelles voies pour réduire l’intensité des ressources dans la construction. Patrick Eberhard, CEO de cette entreprise, souligne que « “l’infrastructure et les éléments de construction ont généralement une très longue durée de vie. C’est pourquoi une construction et un choix de matériaux adéquats sont d’autant plus importants ».
Les entreprises ou les pays qui ne se préparent pas à un avenir prévisible seront largement désavantagés. Prendre des décisions non seulement rapidement, mais aussi correctement, devient de plus en plus essentiel, car l’infrastructure physique des villes et des entreprises ne peut être adaptée que lentement, plus lentement que l’avenir limité en ressources qui se présente à nous. Où en est la Suisse ? Quelles sont nos possibilités ?
Une chose est évidente. La vitesse et l’ampleur avec lesquelles la Suisse transforme son économie détériorent ses perspectives à plus long terme.